Poétesse ... écrivain ... funambule des mots

Tel Lancelot brandissant son épée … il est là … fièrement dressé … majestueux … pointant vers les cieux … le Phare de la Coubre … blanc et rouge … se voit à des kilomètres à la ronde … logique me direz-vous … vous qui êtes du pays … mais pour moi ... qui arrive tout droit de ma petite Belgique … je n’ai pas souvenance d’en avoir vu d’aussi haut … et suis béate d’admiration face à ce noble édifice du début du XX^e siècle … érigé par l’homme … gardien et guide pour les marins.

Marche après marche … je grimpe à la l’assaut de la pointe … située à 64 mètres ... jalonnée par les vitres exposées aux quatre points cardinaux … je me régale d’un panorama changeant … Petit à petit … la forêt se métamorphose en un somptueux tapis aux teintes vertes chatoyantes … et la mer … elle étend son voile bleu  … ondulant au son du vent … rivalise avec le bleu du ciel … l’un et l’autre sont séparés par un cordon dont les gris scintillent de mille feux au gré des rayons du soleil jouant à cache-cache avec les nuages … marquant la ligne d’horizon.

Arrivée au sommet … c’est l’extase visuelle … le soleil embrase la nature en contrebas … fait étinceler de mille couleurs les champs qui étendent … à perte de vue … leur épis de céréales … la forêt de la Palmyre … et l’océan … je voudrais

 … l’espace d’un instant … être artiste peintre pour traduire sur la toile … ce kaléidoscope de tons … oh et puis non … ma plume me suffit pour rêver et voyager sur les vagues qui vont et viennent … Le vent siffle sa mélodie … rythmant doucement mes pas emprunts de respect pour le travail colossal de l’homme … Le regard fixé sur l’horizon et le bonheur de l’instant présent m’entraînent le long de la coursive … 360° d’une vue sensationnelle … des bleus … des verts … des gris … des blancs … à profusion … 360° où je me sens libre comme un oiseau … que je vois fendre les airs au loin … en esprit je vole à leurs côtés … suspendue dans les cieux … plus légère qu’une plume … je laisse mon âme me mettre au diapason du cœur de cette nature.

Tout là-haut … je me sens si minuscule … un grain de sable dans l’immensité de l’univers … et paradoxe … si grande … tels ces géants qui défilent dans les rues lors de carnavals … Je suis en communion avec moi-même … avec les éléments … avec le temps … je prends conscience que la vie n’est qu’un interlude qui nous est offert et dont nous n’avons pas le droit d’en gaspiller la moindre seconde … Je redescends le cœur léger … l’esprit en paix … la tête pleine de souvenirs d’une vie libre et intemporelle … car déjà les fragrances de la beauté s’estompent … comme un rêve qui s’efface au réveil.

L’écomusée raconte la vie des phares … majestueuses tours … ainsi que l’évolution de la vie des marins et je ne peux m’empêcher de me rappeler le quotidien des bateliers … capitaines de péniche voguant sur les canaux du centre reliant Bruxelles à Charleroi … affrontant les dénivellements … grâce au plan incliné de Ronquière ou l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu … pour ne citer qu’eux … leur permettant de remonter ou descendre le courant selon les besoins … Deux sortes de marins et un monde de différence … comme s’ils venaient de deux planètes distinctes … mais ayant le même labeur fastidieux …

Habillé de blanc et de rouge

Il transperce, telle une flèche,

Les embruns de l’Atlantique

Dans un élan hiératique.

Le phare de la Coubre veille

Du soir jusqu’au lever du soleil,

Affrontant brumes, vents et marées

Pour que les marins puissent voguer.

De là-haut, je flotte dans les airs

Comme les frêles bateaux en mer

Et j’admire jusqu’à l’horizon

Les changements permanents de tons.

©Mannuella Iseni