Poétesse ... écrivain ... funambule des mots

Poétesse ... écrivain ... funambule des mots

MA CHERE SŒUR

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Ma chère sœur,

 

Ces quelques lignes pour te dire tout mon chagrin face à ce que je qualifierais d’une incompréhension subite et momentanée de ta part. D’aussi loin que je me souvienne, nous avons toujours été un soutien l’une pour l’autre … enfin moi surtout pour toi. J’ai toujours été présente et même ta bouée de sauvetage lors de tes innombrables appels au secours. Je ne t’en fais nullement le reproche car si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seule seconde. Je courrais … je foncerais … je volerais jusqu’à toi pour te rattraper et t’aider à te relever.

 

Non mais vois-tu, ce qui me chagrine … c’est  ta condamnation pure et simple … alors que je m’attendais à plus de soutien de ta part. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours agi pour le bien-être des autres : nos frères et sœurs, notre mère et enfin mes enfants ... sans parlé des amis qui frappaient à ma porte. J’étais là … fidèle au poste … qu’on m’avait attribué sans même me consulter… ni demander mon avis. J’ai endossé des responsabilités souvent trop lourdes pour mes jeunes épaules … fait face à des situations dont j’aurais dû être … moi-même … protégée … j’ai joué des rôles qui souvent n’auraient jamais dû m’échoir … j’ai mis au placard mes rêves … j’ai tourné le dos à des personnes qui comptaient pour moi … je me suis reniée … parce qu’on attendait de moi autre chose ... Toutes ces choses, je les ai accomplies sans jamais rechigner … Pourquoi ? Tout simplement parce que mon amour pour vous tous … et toi en particulier celle que je croyais être la plus proche de moi.

 

Rappelle-toi nos fous rires … ceux qui venaient, lors de tes angoisses, balayer les nuages gris … chasser la pluie … et dessiner à l’horizon un arc-en-ciel … promesse des jours heureux à venir … et quand le soleil brillait à nouveau … tu repartais pleine d’entrain … prête à affronter la vie sans un regard en arrière. Te voir aussi heureuse … pleine de résolution suffisaient à mon propre bonheur … valaient tous les mercis. Je n’attendais rien en retour et encore aujourd’hui … alors que je t’écris … je ne m’attends pas à ce que tu déroules le tapis rouge … ça ne m’intéresse pas.

 

Te souviens-tu de la longue maladie de Maman … ses aller-retour à entre la maison et l’hôpital ? Tu étais si petite que tu dois n’en avoir plus qu’un vague souvenir. Pourtant j’étais là … du haut de mes 15 ans … je vous ai tous pris en charge sans poser de question … ça me semblait naturel … j’étais l’aînée et j’ai pris mon rôle très au sérieux … je n’ai pas toujours agi correctement … j’ai souvent perdu patience …  mais malgré cela … je n’ai jamais baissé les bras … j’ai passé des heures à te faire répéter tes exercices de logopédie … j’ai révisé avec chacun d’entre vous cinq vos devoirs et vos leçons vous préparant à vos examens … j’ai fait le ménage … mettant de côté mes propres objectifs … risquant mes cours. J’étais levée à l’aurore et couchée si tard que j’avais l’impression de me croiser dans les escaliers.

 

J’ai même servi de jouet à ce pervers … cet être abject dont je porte le nom comme une marque faite au fer rouge sur bétail … … j’étais trop jeune pour devenir « femme » du haut de mes 9 ans … répondre aux attentes de tous ces ordures à qui il louait mon corps  … et puis les années ont passé. Je fermais les yeux … m’évadais mentalement … en attendant qu’ils aient fini. Il disait m’aimer … comme un père aime sa fille … comment pouvais-je savoir comment un père aime sa fille ? Alors je le laissais faire … parce que ça me semblait normal qu’il satisfasse ses « besoins » avec moi pendant que sa femme était hospitalisée. Quand Maman suppliait la mort de l’emporter, j’étais à ses côtés, lui tenant la main et l’encourageant à lutter.

 

Encore une fois, si je reviens sur le passé, ce n’est pas pour t’en faire le reproche … ni te culpabiliser … je n’en veux à personne de la vie que j’ai menée … j’ai fait mes choix et je les ai assumés. Je sais que durant longtemps … et encore parfois aujourd’hui … tu as le sentiment que je t’ai abandonné quand je me suis retrouvée enceinte … que j’ai quitté la maison. J’étais ton repère et du jour au lendemain, j’ai fait mes valises sans un mot d’explication.

 

Hier, toute fière et pleine de joie, je t’ai parlé de mon projet d’écriture … et … là … j’ai reçu un coup de poignard en plein cœur. Je n’en suis pas encore remise … toi ma petite sœur avec qui j’ai tant partagé … tu me tournes le dos … qualifiant mon idée de folle utopie ! Avec joie et … une pointe d’appréhension … je t’avais montré mon premier poème … il t’était dédié … je saluais ton courage … et ta réaction m’a sidérée … anéantie … tuée ! Je ne prétends pas vouloir être la future Amélie Nothomb … encore moins Dan Brown ou Stephen King … mais de là à me dire : « c’est nul, insipide et trop gnangnan » je ne m’y attendais … surtout venant de ta part. Quand je t’ai dit que mon premier recueil allait être publié et que ce texte en faisait partie, tes paroles ont été si dures que je suis encore au 36e dessous. Sans vouloir être méchante, tu peux aller voir ailleurs si je ne suis pas !

 

A partir de maintenant, j’ai décidé de vivre pour moi et ma passion … l’écriture. Je consacrerai le reste de mon temps libre à faire ce que j’aime … narrer mes rencontres … mes coups de cœur et de gueule … évoquer mes ressentis et mes impressions … à travers ma poésie et mes textes en prose … telle une funambule des mots … pour soulager mes maux … enluminer mes joies … coucher sur papier ces instants de vie qui sont autant de clichés littéraires face à mes émotions.

 

Toi qui mets Dieu si souvent en avant … ne peux-tu admettre qu’Il m’ait dotée d’un talent autre que d’être le soutien … le pilier … le bâton de mon entourage ?

 

Je trouve refuge dans l’écriture … là … à travers mes personnages … je peux exprimer mes émois … mes colères … et même ma haine sans choquer ni blesser qui que ce soit. J’ai autant besoin d’écrire que d’air pour respirer … et je pense … non … je suis intimement convaincue … que mes écrits peuvent aider certains à trouver un peu de joie et … qui sait … reprendre espoir dans la vie. Je ne prétends pas être grande philosophe … a-t-on déjà vu une femme philosophe ? Peu importe … là n’est pas la question !

 

Ecrire, c’est enfin vivre … me libérer de mes chaînes … exorciser mes angoisses … me débarrasser de mes terreurs … anéantir mes démons intérieurs … ceux qui me rongent lentement … Ecrire c’est Aimer … rire … danser … chanter … chasser la grisaille de ma vie … pour la colorer de 1000 et une teintes … changer en or les nuages … faire pleuvoir des gouttes d’argent dans mon jardin secret … allumer la bougie « Esperanza » pour que je m’y réchauffe à sa flamme quand le désespoir frappe à la porte de mon cœur … Ecrire c’est mettre de l’ordre dans ma vie … prendre le temps de faire le tri … ranger les compartiments de mon existence … fermer les tiroirs du passé … et ouvrir grand les fenêtres sur le futur … Ecrire c’est jongler avec les mots pour guérir mes maux … cicatriser les plaies … m’abreuver à la source de mon inspiration alimentée par vous tous … toi et ma famille … mais aussi mes amis … mes ennemis … toutes ces personnes qui jalonnent mon existence … Ecrire … c’est célébrer la vie … c’est partager ce don que Dieu m’a offert … et puis c’est … être moi-même pour la première fois … être vraie … et enfin honnête avec mon âme et ma conscience. J’ai enfin compris que pour être bien avec les autres … je dois être en accord avec moi … sans quoi je ne suis qu’un hologramme sans raison d’existence.

 

Je regrette tant notre complicité … mais je ne pourrai revenir en arrière … maintenant plus que jamais je ressens ce besoin d’écrire … de mettre noir sur blanc toute une vie … tant les beaux moments que les jours tristes. Mon destin n’est pas de devenir une grande poétesse ... je ne cherche pas la gloire … ça ne m’intéresse pas … Je pensais que tu me connaissais mieux et que tu comprendrais qu’à travers l’écriture je gagnerais en assurance mais il me semble que je me trompais. Sommes-nous devenues si différentes avec le temps ?

 

Ce qui me sidère le plus … c’est que lorsque tu écris une pièce de théâtre pour ton église ce soit à moi que tu demandes de te corriger ou de compléter tes idées mais quand je t’annonce que mon recueil de poésie et de textes sera publié … tu mets en doute mes capacités. Un instant, j’ai cru que tu étais jalouse … mais toi … tu es ma sœur et ce n’est pas pensable qu’entre nous la jalousie existe … ça me ferait trop mal … comme une flèche empoisonnée logée en plein cœur. J’ose espérer que très vite tu reviendras sur ta décision … et m’encourageras dans mon long chemin qu’est l’apprentissage de l’écriture … que tu seras là quand le doute s’installera … quand l’angoisse de la page blanche me saisira … que l’inspiration me fera défaut … aujourd’hui … je lance vers toi une bouteille … dans l’océan de notre amour fraternelle … pour implorer ton aide et ton soutien … j’ai plus besoin de ta présence … j’ai besoin que tu crois en moi.

 

Avec toute mon affection, je t’embrasse ma chère sœur.

©Mannuella Iseni



09/05/2014
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